S’agissant spécifiquement des dispositions mises en consultation, les Vert·e·s formulent les remarques suivantes :

  • Art. 57 : Le critère de la nationalité à la fonction de juge ne nous semble pas justifié. Les étrangers au bénéfice d’un permis C devraient pouvoir accéder à la fonction de magistrat. Rappelons qu’ils sont déjà éligibles au niveau communal, tant aux conseils général que communal, et qu’ils ont le droit de vote au niveau cantonal. Le Canton du Jura, dont les droits politiques sont légèrement moins étendus pour les étrangers, n’impose en comparaison aucune exigence de nationalité suisse à ses magistrats.
  • Art. 60. S’agissant du bureau consultatif, il nous semblerait opportun que la loi prévoie qu’il est composé « d’au moins trois membres » et non pas impérativement « de trois membres » afin de pouvoir tenir compte d’expériences et besoins à venir. Cela permettrait dans certains cas de faire en sorte que les membres du Bureau consultatif soient adapté.e.s au poste demandé. Par exemple : un ancien policier pour recruter un nouveau Procureur, ou éventuellement un professeur de droit pour une charge de Juge cantonal ou un ancien membre du service juridique pour un poste à la CDAP.
  • Art. 72 : Il pourrait s’avérer dans certains cas délicats que la CAAJ soit compétente pour autoriser ou non un membre de la magistrature à exercer une autre activité, dans la mesure où ses membres pourraient être eux-mêmes directement concernés par la pratique adoptée. Par ailleurs, dès lors que certaines activités accessoires peuvent avoir un impact sur la perception de la magistrature dans l’opinion publique, on peut soutenir que leur autorisation relève d’une activité de surveillance devant incomber au CM. Celui-ci statuerait le cas échéant sur proposition de la CAAJ.
  • Art. 75 : Le critère de l’efficacité nous parait problématique, car susceptible de compromettre la qualité et l’indépendance de la justice. Il serait plus judicieux de parler de traitement « efficient » des affaires ou « diligent » pour reprendre l’objet de l’article. A la lecture de l’article tel qu’il est présenté, il semble que la diligence se résumerait essentiellement à la quantité, au détriment de la qualité.
  • Le rapport fait référence à la recommandation du Comité des ministres aux Etats-membres (CM/Rec(2010)12). Or cette recommandation définit l’efficacité par le « fait de délivrer des décisions de qualité dans un délai raisonnable et sur la base d’une considération équitable des éléments ». Il s’agit donc davantage d’efficience que d’efficacité. L’alinéa 3 pourrait par ailleurs être complété par la précision selon laquelle l’efficience se mesure « en fonction des ressources mises à leur disposition », afin de tenir compte du manque récurrent de personnel dans les autorités judiciaires neuchâteloises.
  • Art. 90 : Il semble délicat que la CAAJ soit compétente pour autoriser des congés de longue durée, alors que ses membres peuvent avoir un intérêt à la pratique adoptée. On peut à nouveau se demander s’il ne s’agit pas d’un pouvoir qui devrait être du ressort du CM, statuant le cas échéant sur proposition de la CAAJ (cf. ad. Art. 72). Cette solution permettrait d’ailleurs d’éviter qu’il ne soit reproché à un juge une certaine inefficacité résultant notamment d’un congé lors d’une procédure de réélection, alors même que celui-ci a été validé par la CAAJ.
  • Art. 93 ss : Le principe de la mobilité entre tous les postes pourrait être remis en question. Si on en comprend l’intérêt pour l’attractivité de la fonction judiciaire neuchâteloise, elle n’est pas sans poser problème. Les juges sont le plus souvent élus pour leurs compétences à exercer en première instance ou au MP, donc essentiellement en procédure civile et pénale. Le Grand Conseil ne peut donc que rarement examiner les compétences des juges du Tribunal cantonal, alors que leur légitimité devrait être d’autant plus importante. Même le Procureur général peut être nommé par mobilité interne, ce qui est tout de même surprenant, compte tenu de sa fonction importante en matière de politique criminelle du canton.
  • Art. 96 : Si l’on accepte le principe de la mobilité, une fois que la procédure est ouverte, les candidatures devraient obligatoirement être soumises au bureau consultatif, afin d’assurer un parallélisme avec la procédure d’élection et d’éviter que des personnes qui ne seraient pas compétentes pour le nouveau poste puissent être proposées. Bien que la CJ puisse prendre toute initiative qu’elle juge utile pour se forger une opinion, il nous parait opportun de le préciser afin que les candidatures soient examinées d’emblée. D’ailleurs, cela permettrait de donner un argument pour refuser un candidat, alors que la CAAJ pourrait se retrouver face à un conflit « de loyauté ».
  • Art. 100 : La désignation des suppléants par la CAAJ parait problématique. La CAAJ ne devrait pas être compétente pour désigner un suppléant alors que ses membres sont directement intéressés soit par la nomination d’une certaine personne, soit à ce qu’une autre ne le soit pas, notamment un greffier ou une greffière qui pourrait « manquer » à son poste. Il s’agit également d’assurer l’indépendance de la justice, du moins en apparence, lorsque le juge suppléant siège en collège. Un justiciable pourrait estimer que le juge suppléant n’est pas indépendant par rapport aux autres juges ordinaires qui l’ont peut-être désigné à ce poste. La désignation des juges suppléants devrait à notre sens être du ressort du CM. Cf. ad. Art. 72.
  • Art. 101 : En pratique, il est courant que des greffiers soient nommés comme suppléants. Or, les Vert·e·s relèvent que le Tribunal fédéral a rendu un arrêt de principe récent niant la possibilité pour un greffier de siéger dans un collège avec des juges qui sont, habituellement, ses supérieurs. Là encore, il en va d’une question d’indépendance de la justice (Arrêt 1B_420/2022). Il s’agirait de compléter la disposition en ce sens.
  • Art. 104 ss. Si on salue le fait que la Commission ait souhaité renforcer la législation relative à la surveillance de la magistrature, on pourrait se demander s’il ne serait pas préférable d’élire les juges « à vie » et de préciser les cas dans lesquels une destitution pourrait être prononcée par le CM au sens de l’art. 173 al. 1 let. e LJU (disposition qui en l’état semble excessivement succincte), compétence qui pourrait être le cas échéant transférée au Grand Conseil. C’est d’ailleurs ce que préconise depuis longtemps le Greco à l’intention de la Suisse (cf. lien, voir en particulier no 101).
  • 105 : Les Vert·e·s notent avec satisfaction que le contenu et l’objectif du rapport du Conseil de la magistrature à l’attention de la Commission judiciaire en vue des réélections a été précisé dans cette nouvelle Loi. Il pourrait cependant être étoffé, dans la Loi ou dans le commentaire de la Loi. En effet, la seule information qui devrait impérativement être mentionnée pour que la Commission judiciaire puisse se faire son opinion est l’existence d’une éventuelle procédure disciplinaire. À défaut d’une telle procédure, on ignore ce que ce rapport pourrait ou devrait contenir. Le commentaire de la loi indique « notamment ». Il faudrait préciser les critères pertinents de manière à éviter que seule l’efficacité au détriment de la qualité ne soit prise en compte.
  • Ad. Art. 108 : La voie de droit ne peut pas dépendre des motifs de non-réélection. Il s’agit d’une voie impraticable : La non-réélection d’un juge conserve son caractère politique prépondérant même si la non-réélection est fondée sur des critères d’efficacité (cf. ATF 147 I 1). Le débat doit porter ici sur la question de savoir si l’on souhaite, dans notre canton, une voie de recours au TC ou non. À notre sens, elle ne nous parait pas opportune compte tenu des liens évidents pouvant exister entre les magistrats non réélus et le TC. Il s’agit par ailleurs d’éviter des conflits intra-organiques dans le canton.

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